La production de pièces pénales dans une instance civile

La production de pièces pénales dans une instance civile

En matière judiciaire, il arrive qu’une affaire débutée en instance pénale continue dans un procès civil. Bien que la procédure pénale soit différente de la procédure civile, les éléments à charge de la première peuvent être utilisés dans la deuxième.

Il est en effet possible de produire des pièces pénales au cours d’un procès civil. Toutefois, il est important de déterminer si les pièces versées au dossier sont issues d’une instruction en cours ou d’une instruction clôturée.

Par ailleurs, il faut différencier le moment de l’obtention de la pièce pénale du moment de sa production en instance civile. La recevabilité d’une pièce pénale au civil dépend de la régularité de son obtention et de sa production.

Parler de l’obtention et de la production régulière revient à se demander qui a la charge d’obtenir et de produire de telles pièces. Dans quels cas ces pièces sont-elles recevables ou irrecevables ?

Qu’est-ce qu’une pièce pénale ?

Dans le langage juridique, le mot pièce renvoie à tout document écrit déposé au dossier d’une affaire en justice. De ce fait, une pièce pénale désigne tout document ou objet d’une procédure pénale.

Il existe trois sortes de pièces : les pièces de forme, les pièces de procédure et les pièces probatoires. Chaque type de pièce intervient à un moment précis de la procédure pénale. La première catégorie concerne généralement les citations adressées par le greffier.

La deuxième catégorie de pièces concerne les éléments introduits au cours de la procédure. Ces éléments ont trait à l’administration de la preuve, aux requêtes et aux conclusions des parties ou, dans certaines affaires, à celles du Ministère public.

La troisième catégorie, quant à elle, est relative aux documents annexés aux conclusions devant l’audience. Seule la deuxième catégorie de pièces pénales peut être versée dans un dossier en instance civile.

Cependant, il est normal de s’interroger sur le sort réservé à ces documents de la procédure pénale une fois qu’ils sont produits devant le juge civil. Sont-ils recevables et si oui dans quelles conditions ?

Que deviennent les pièces pénales produites devant le juge civil ?

Le juge civil a qualité pour recevoir des pièces issues d’une affaire pénale si cela a un lien direct avec l’affaire pendante dont il doit dire le droit. Cependant, il est le seul à pouvoir apprécier la recevabilité ou non desdites pièces.

Du fait de la confidentialité de l’instruction pénale et du secret professionnel auquel sont assujetties les parties prenantes à la procédure, le juge civil doit s’assurer de l’obtention régulière desdites pièces et de leur production légale devant son tribunal.

Les pièces écartées des débats

Même si la doctrine admet que les personnes ne concourant pas à la procédure pénale peuvent produire au civil des éléments du dossier d’instruction, il reste aussi vrai que ces éléments ne sont pas tous recevables.

En effet, le Code de procédure pénale en son article 114 alinéa 6 dispose que les copies des rapports d’expertise sont les seules pièces qui peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats… Toute autre pièce produite est automatiquement écartée du débat.

L’alinéa 6 de l’article 114 définit clairement la nature des pièces pouvant être communiquées. Sont donc exclus les procès-verbaux et les rapports de police.

Toutefois, les annexes aux rapports d’expertise sont autorisées, bien qu’elles puissent parfois contenir des procès-verbaux.

Une autre interprétation de cet article permet de déterminer qui a qualité pour produire les rapports d’expertise devant le juge civil. Les parties prenantes à l’instruction à l’instar du juge d’instruction ou du procureur de la République n’ont pas le droit de le faire.

S’ils venaient à le faire, les pièces seraient jugées irrecevables non pas à cause de leur nature, mais à cause de la violation du secret professionnel auquel ils sont astreints.

Seules les parties (personne mise en examen, partie civile) et leurs avocats ont le droit de produire ces pièces.

Les documents et les actes versés au dossier civil, mais qui n’ont pas été retenus, sont écartés des débats. La procédure va suivre son cours comme si ces éléments n’avaient jamais existé. Les documents retenus quant à eux seront pris en compte et évoqués dans les débats.

Les conditions d’affirmation

Sur la base des dispositions de l’article 114 précité, la Cour de cassation a fondé le droit pour la partie civile de produire la copie d’un rapport d’expertise ordonné par le juge d’instruction. Elle peut donc librement présenter ce document en instance civile.

La Cour de cassation est allée encore plus loin en considérant que le secret de l’instruction pénale n’est pas opposable. Est-ce à dire que ces entités peuvent produire au procès civil des pièces d’une autre nature que celles des rapports d’expertise ?

La haute juridiction a répondu à cette question en approuvant la décision prise par les juges du fond. Ces derniers ont retenu que le Ministère public peut verser aux débats, tous documents ou renseignements de nature à contribuer à la solution du litige.

À en croire cette résolution, les parties au procès civil peuvent produire n’importe quelle pièce du dossier pénal sous réserve d’une autorisation préalable du Ministère public.

Il convient toutefois de préciser qu’aucune loi n’habilite le Ministère public à donner une telle autorisation.

Quant au Code de procédure civile, il n’octroie aucune compétence en la matière au juge de mise en état. Il est donc important de vite prévoir un texte ayant pour but d’élargir les compétences du juge.

En attendant la promulgation d’un tel texte, la jurisprudence actuelle ne tient pas forcément compte de cette autorisation. Rien n’empêche donc des parties à l’instance civile de produire des pièces du dossier pénal dont elles ont été parties prenantes.

Seule la Cour de cassation peut mettre un terme à l’incertitude régnante sur cette question. Elle a déjà commencé en donnant raison aux juges du fond et de nombreux acteurs attendent qu’elle aille jusqu’au bout en répondant à toutes les questions actuelles.

En définitive, il est possible de se constituer partie civile dans un procès et de verser au dossier des pièces pénales. Ces pièces doivent être obtenues légalement pour pouvoir être autorisées aux débats sinon elles en seront écartées.

La production de ces documents revient aux parties, car elles ne sont ni tenues au secret professionnel ni au secret de l’instruction du dossier. Toutefois, pour plus de visibilité et de sécurité juridique, il est souhaitable que la Cour de cassation tranche le débat sur la question.